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Le programme de la langue française en fête

Direction de la Langue Française

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La féminisation des noms de métier et de profession se porte plutôt bien en Communauté française de Belgique. La visibilité linguistique des femmes dans les fonctions de l'État, de l'administration et de l'entreprise croît d'année en année. La plupart des usagers de langue française ne s'étonnent plus d'entendre la Ministre de l'Agriculture, la juge X ou cette soldate américaine. La vice-rectrice, la consultante indépendante et la chercheuse osent se dire telles et sont reconnues comme telles.

En 1993, la publication du décret relatif à la féminisation des noms de métier, fonction grade ou titre, le 21 juin, et de l'arrêté d'application, le 13 décembre, a été suivie d'une période d'hésitation compréhensible. Les formes féminisées, magistrate sur le modèle d'avocate, huissière sur le modèle de caissière, échevine comme laborantine, risquaient-elles de déranger, d'inquiéter, de faire sourire, voire de ridiculiser ?

Il semble que le décret ait aidé les mentalités à progresser. Peu à peu, lentement mais sûrement, l'usage des formes féminines s'est installé d'abord dans les médias, la presse écrite, la radio et la télévision, puis dans la vie courante, pendant les campagnes électorales, enfin dans la publicité.

Des obstacles de deux ordres demeurent néanmoins. Alors que le décret est  applicable à toutes les autorités administratives francophones, des chefs de service, hommes ou femmes, freinent l'extension de la féminisation. D'autre part, ce sont souvent les femmes elles-mêmes qui répugnent à énoncer leur fonction ou leur titre au féminin. Cette attitude, qui peut paraitre bizarre, est explicable.

En ce qui concerne l'administration, une enquête a révélé deux tendances1. Au moment où, dans certains services, la féminisation était devenue normale et presque courante, dans d'autres, elle restait quasi ignorée. Pour quelle raison ? L'enquête a montré le poids de l'avis des chefs de service. Leur position favorable à la féminisation entrainait la majeure partie des membres du service à féminiser les noms de profession. Leur position défavorable ou non exprimée poussait le personnel à s'en tenir aux dénominations masculines. Les deux tendances s'observaient tant dans la langue orale (les appels téléphoniques) que dans la langue écrite (le courrier).

D'autre part, l'attitude des femmes elles-mêmes importe beaucoup. Une résistance à la féminisation continue d'exister chez certaines femmes qui occupent pour la première fois un poste jusque-là réservé à un homme. Après avoir obtenu leurs diplômes, elles ont travaillé avec la volonté de faire carrière. Elles obtiennent ainsi un poste destiné depuis toujours à un homme, mais cette réussite ne leur suffit pas. Elles veulent qu'on leur donne le titre au masculin. Alors seulement elles se sentent les égales des hommes. Comme si féminiser le nom de la profession risquait de la dévaloriser, elles se font appeler : Madame le Recteur, Madame le Directeur, Madame le Rédacteur en chef, Madame l'Ambassadeur de... en Belgique.

Il convient de respecter cette demande, d'autant plus qu'elle disparaitra d'elle-même. En effet, cette attitude s'observe surtout chez la femme qui occupe pour la première fois une haute fonction jusque-là attribuée à un homme. En général, dès la nomination de la deuxième femme à ce poste ou à un poste équivalent, le besoin d'être appelée par un titre masculin disparait. La fierté d'être femme réapparait et la visibilité féminine qu'apporte l'appellation au féminin l'emporte sur le prestige de l'appellation masculine : Madame la vice-Rectrice, Madame la Directrice (directrice de société), Madame la Rédactrice en chef, Madame l'Ambassadrice de... en Belgique.

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